Sade et le sadisme dans la psychiatrie française

 

Jean-Etienne Dominique ESQUIROL, élève de Pinel,  fait sa thèse sur les passions en 1805, puis, médecin en chef de la maison royale des aliénés de Charenton, publie en 1838 Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal. Il y expose sa théorie des monomanies, basées sur la triade philosophique entendement, volonté, affect : les monomanies intellectuelles délirantes d’une part, et les monomanies raisonnantes affectives et instinctives. Sade, dans cette nosographie,  était donc censé souffrir donc d’un trouble de la volonté avec passages à l’acte instinctifs et irrépressibles, bref d’une monomanie instinctive sans délire ou folie impulsive, « où le malade est entraîné à des actes que la raison et le sentiment ne déterminent pas, que la conscience réprouve, que la volonté n’a pas la force de réprimer ». C’est cette monomanie, qui dès le début, va causer une grande controverse sur le plan médico-légal, les juristes trouvant que c’est un alibi facile pour les criminels, et sur le plan éthique aussi, la loi d’Esquirol rendant l’aliéné irresponsable de ses actes[1]. Dans une deuxième partie « Mémoires statistiques et hygiéniques sur la folie » Esquirol dresse un historique des maisons d’aliénés dont Charenton. C’est alors qu’il parle de Sade, lors de la nomination du Docteur Royer-Collard comme médecin chef,  après le départ du Docteur Gastaldy, malgré la réticence du directeur de Coulmier, qui avait cru trouver dans les représentations théâtrales et la danse, dans un remède souverain à la folie :

 

Le trop fameux de Sade était l’ordinateur de ces fêtes, de ces danses, de ces représentations auxquelles on ne rougissait pas d’appeler des danseuses et des actrices des petits théâtres de Paris […] Ce spectacle fut un mensonge, les fous ne jouaint point la comédie, le directeur se jouait du public, tout le monde y fut pris […] Tout Paris y courut pendant plusieurs années. Les uns par curiosité, les autres pour juger des effets prodigieux de cet admirable moyen de guérir les aliénés ; la vérité est que ne moyen ne guérissait pas[2].

1. Charles Henry : la vérité sur Sade

Deux ans après, en 1887, en France, une plaquette anonyme de 96 pages est publiée chez Dentu (de manière contemporaine de la première Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing de 1886) sous le nom de La vérité sur le Marquis de Sade. En fait l’identité de son auteur sera découverte et révélée en 1930 dans Le Journal par Lucien Descaves : Charles Henry. C’est la première prise de position radicale scientifique française vis-à-vis de Sade, le présentant comme un « criminel  d’imagination » et distinguant formellement ses héros de romans de ses propres actes et fantasmes. Au contraire, Charles Henry fait même de Sade un écrivain moraliste, qui aurait peint les vices pour les faire détester, thèse qui sera repris par Jeangène Vilmer[3], qui soutient que Sade a mis le criminel face à ses crimes pour le punir. La première phrase du texte de Charles-Henry sur le sadisme, politique, concerne aussi la sublimation :

 

Le sadisme vivra tant qu’il n’y aura pas ni esthétique dans notre vie, ni solidarité dans notre milieu social[4].

 

Charles Henry n’était pas médecin mais a été chimiste, préparateur et élève de Claude Bernard, historien des mathématiques, directeur du laboratoire de physiologie des sensations à l’Ecole de Hautes Etudes et bibliothécaire à la Sorbonne. Il est connu pour sa théorie générale de la « dynamogénie » et son cercle chromatique, traité d’esthétique scientifique bien connu en histoire de l’art pour avoir influencé les néo-impressionnistes (Signac et Seurat), après Chevreul et sa loi du contraste simultané des couleurs. Son traité sur les harmonies des couleurs et la dynamogénie comprend une introduction sur la théorie générale du contraste, du rythme et de la mesure, dans lequel il donne une définition très originale de la folie, mise en exergue de son ouvrage sur Sade :

 

La folie n’est qu’une inhibition du contraste, du rythme et de la mesure des idées[5].

 

Mathématicien rigoureux et issu d’une part du positivisme de Claude Bernard, Charles Henry a su appliquer les sciences aux beaux-arts et à la littérature. Son ouvrage sur Sade ne dénie pas les délits dont il fut accusé (affaire Rose Keller et de Marseille avec les bonbons à la cantharide), il cherche même à les expliquer par la répression ou du moins la dissimulation des instincts inhérentes à un milieu aristocratique séculaire, qui ne peut entrainer qu’un retour violent du refoulé. Mais il se bat contre les ragots et les commérages, des lettres de Madame du Deffand à Walpole et du Bibliophile Jacob en particulier, surtout contre  les fantasmes collectifs qui ont tant circulé sur la vie de Sade. Il distingue surtout le premier « le moralisme vulgaire » des romans dont la publication a été officielle, qui finalement caressent la bourgeoisie dans le sens du poil, du « moralisme profond » des romans clandestins où Sade a pu décrire la noirceur de l’âme humaine au risque de faire horreur, mais dont la description positive du mal serait une étape nécessaire pour apprendre la vertu. Il va surtout rechercher des documents et des lettres écrites en prison pour tenter de montrer un aspect humain de Sade, repenti et dans la rédemption (« pleurer mes fautes, détester mes erreurs est mon unique occupation, […] Donnez-moi la douceur de me réconcilier avec une personne qui m’est si chère et que j’ai eu la faiblesse d’offenser si grièvement[6] »). Et publie les réponses au Journal de Paris dans lequel Sade lutte contre la calomnie et se défend d’être l’auteur de Justine. Dans cet ouvrage déroutant, Charles Henry fait preuve d’une certaine naïveté pour un scientifique. Il commence par banaliser, pour conclure « pour les disciples du baron d’Holbach de l’expérience morale » :

 

Ce qu’il fit alors des centaines le faisait.

On n’est pas criminel pour faire la peinture des bizarres penchants qu’inspire la nature[7].

2. Léon Thoinot et le sadisme

En 1898 sont publiées Les Leçons du Docteur Louis-Henry Thoinot, données à la faculté de Médecine de Paris sous le titre Attentats aux mœurs et perversions du sens génital. La préface précise que c’est une mise point et une vulgarisation sur les perversions du sens génital, avec son triple intérêt clinique, psychologique et médico-légal[8]». Sujet ancien des médecins experts et aliénistes, les perversions, anomalies, aberrations, déviations (« tous ces mots sont synonymes [9]») ont bénéficiés d’études récentes :

Nous aborderons cette étude en bannissant tout sentiment de fausse pudeur si fâcheux en médecine […] C’est vous apprendre à voir presque toujours de malheureux irresponsables dans ces pervertis sexuels dont la médecine s’est trop longtemps détournée avec horreur, manquant au devoir noble de découvrir et de défendre les faux coupables, quels qu’ils soient, quelque  abominable que puisse paraître leur action aux yeux du vulgaire ignorant[10].

 

Thoinot reprend les définitions de Morel (dégénérés tous héréditaires) et de Magnan (aussi acquis) des pervertis sexuels comme, mais précise-t-il -non dans tous les cas- de malades du cerveau et de dégénérés mentaux. Il y a d’autres malades non dégénérés qui présentent aussi des perversions. Le dégénéré mental est un déséquilibré de l’intelligence, de la volonté et de la sensibilité, où la triade harmonique est rompue et la fonction de reproduction n’existe plus. Les centres sensitifs d’un pervers fonctionnent affranchis du contrôle des centres psychiques et de la volonté et l’instinct sexuel est devenu impulsif. La leçon XVIII est consacrée au sadisme et au masochisme. On y trouve la définition suivante :

 

Trouver dans une souffrance de degré très variable -tantôt légère, tantôt grave ou d’un raffinement atroce- qu’on fait infliger, qu’on voit infliger, ou qu’on inflige enfin soi-même à un être humain, la condition toujours nécessaire et parfois suffisante de la jouissance sexuelle : telle est la perversion de l’instinct génital qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de sadisme […] Le Marquis de Sade, de triste mémoire, fut dans ses écrits le prototype de cette monstrueuse anomalie : d’où les noms de sadisme, actes sadiques[11]

 

Le masochisme est l’opposé exact du sadisme MAIS n’a aucun intérêt médicolégal, est toujours hétérosexuel et une pathologie de l’homme, qui jouit des tortures infligées par des femmes (sadiques ?). Sacher-Masoch est cité à l’origine de l’antonomase, car « il a fait de cette anomalie le thème préféré de ses nouvelles ». Suit le cas Rousseau et les fessées de Melle Lambercier, Rousseau servant selon Thoinot à vérifier que l’éclosion du masochisme, nettement congénital chez Rousseau,  se fait sur fond de dégénérescence :

 

S’il a existé un type parfait de dégénéré supérieur, c’est bien assurément Rousseau, presque un fou moral, et en même temps écrivain de génie[12].

 

Il est intéressant de noter ici la confrontation du jugement moral et de l’intérêt médicolégal sur le sadisme et du masochisme, à travers deux écrivains. Sade est donc un prototype de la « monstrueuse anomalie » qu’est le sadisme, intéressant sur le plan judiciaire,  qu’il a  transcrit dans ses écrits. Rousseau, « un dégénéré supérieur, presque un fou moral » mais non dangereux, est un écrivain de génie. Si le sadique est un dégénéré impulsif, le masochisme est plutôt un presque fou. Face aux sadiques sanguinaires et meurtriers longuement décrits, le masochiste fait figure de pâle malheureux, aux scenari fantasmatiques répétitifs et restreints, voire d’impuissant :

 

Il s’en faut que cette comédie masochiste réponde dans tous les cas aux espérances du malheureux qui l’a conçue d’après ces rêves toujours si puissants sur lui, et plus d’un, après avoir assisté à toute la scène sans un désir, sans une érection, s’enfuit honteux pour retomber et se confiner à jamais dans son masochisme idéal[13].

3. Alexandre Lacassagne et le docteur Marciat

Sous le pseudonyme du Docteur Marciat, le médecin Claude Tournier consacre en 1899 un texte entièrement à Sade Le Marquis de Sade et le sadisme dans Vacher et l’éventreur et les crimes sadiques d‘Alexandre Lacassagne. Ce dernier développe d’abord le cas de Joseph Vacher, qui assassinait, violait et mutilait (éventrait) les bergers et bergères. À l’aide de rapports d’expertises, en jurant au lecteur- le ton est donné- comme « aux Assises de n’avoir dit que la vérité et rien que la vérité ». Sa définition du sadisme est la suivante, différente de celle de Thoinot, qu’il trouve trop descriptive, plus psycho-pathologique en effet,  insistant sur la pulsion de mort :

 

Le sadisme est un état cérébral dans lequel l’instinct sexuel est excité ou satisfait sous l’influence de l’instinct destructeur[14].

 

Le Docteur Marciat, dans son texte consacré à Sade et au sadisme, rappelle d’emblée la définition de Thoinot et s’interroge sur la justification du « parrainage » par le Marquis de Sade de cette perversion :

 

La réponse est affirmative. Le marquis de Sade, s’il n’est en rien comparable dans la vie pratique à Gilles de Rays, a été dans ses écrits le théoricien ingénieux et le peintre épouvantablement imaginatif du plaisir sexuel accompagné de douleur. Le personnage et ses livres méritent plus d’attention qu’il ne leur a été accordé par les médecins[15].

 

Dans la première partie sur la vie de Sade, Marciat cherche à corriger les légendes véhiculées dans la Gazette médicale de Paris par Brière de Boismont en 1849, reprises par Moreau de Tours dans les Aberrations du sens génésique, et les récits biographiques du Bibliophile Jacob de 1838. Il insiste sur son milieu et son mariage, fait de la psychanalyse appliquée, expliquant la déviation morale de de Sade et cette première phase d’évolution sadique :

 

Le Marquis de Sade va ainsi vivre dans une société qui, pratiquant la cruauté morale, glisse vers la cruauté du corps[16].

 

Son mariage contrarié, la haine de sa belle-mère et son amour pour Anne-Prospère de Launay ont selon Marciat transformé Sade en un « débauché aigri, haïssant sa femme, comme revanche de la séparation endurée de la femme qu’il aime ». A propos des affaires Keller et de Marseille, Marciat ébauche une théorie de la sublimation :

 

Une tendance à la cruauté, peut-être un peu plus accentuée que chez les autres, un grand mépris de la femme, un tempérament à besoins sexuels impérieux, me paraissent constituer, à cette époque de sa vie, la personnalité du marquis de Sade. Un tel homme, intelligent plus que ses compagnons de débauche, ne subira pas une détention arbitraire de treize ans de durée, ne vivra pas de trente-huit ans à cinquante-et-un ans privé de toute satisfaction génitale sans révolte contre la société et ses lois, sans subir un éréthisme sexuel violent. Pourquoi s’étonner si l’écrivain qui est né de cette double influence est l’auteur de Justine, ce mélange de négations enragées de toutes les lois humaines et morales de d’actes sexuels furieux[17].

 

Marciat émet donc une double hypothèse sur la sublimation de ses pulsions sexuelles dans  l’écriture : une prédisposition libidinale et une frustration imposée, aboutissant à un « éréthisme » violent, sublimé en une œuvre littéraire violente. Il le décrit comme très clairvoyant sur le plan philosophique, dans Aline et Valcour en particulier, où il prophétise la Révolution.

 

Dans les deux chapitres suivants, Marciat s’interroge sur les liens entre les écrits avoués avec ses théories publiques et ses écrits  clandestins avec ses théories du sens sexuel. 

 

Si dans sa vie le marquis de Sade apparaît plutôt comme la victime expiatoire d’une société débauchée, il faut avouer que ses écrits le désignaient à ce rôle. […] Dans les livres avoués comme dans ceux niés, on trouve le même procédé d’opposition brutale entre le personnage d’une vertu et d’une sensiblerie à la mode alors, et le personnage qui au nom de la philosophie a répudié en théorie et en pratique tout principe moral.[18]

 

Blamont y est décrit comme « un petit sadique », un philosophe anarchiste, qui met ses théories en pratique certes vis-à vis de sa femme (qu’il fait empoisonner) et de ses filles, mais, outre quelques scènes de flagellations, sans jamais commettre d’actes de volupté dans le sang. Contrairement à Charles Henry, Marciat trouve les justifications de Sade vis à vis de Justine, Juliette et La philosophie dans le boudoir, prétendant écrire un livre moralisateur en montrant les pires vices pour faire aimer la vertu, subversives. Il s’agit alors de « grand sadisme ». Le docteur Marciat découpe en fait l’œuvre de Sade en trois : une philosophie sadique sociale (meurtre), une philosophie sexuelle (inceste) et les actes sadiques imaginés par Sade dont il trouve l’imagination déplorable.

4. Augustin Cabanès et le docteur Jacobus X.

Le Docteur Augustin Cabanès (1862-1928) publie en 1900 La prétendue folie du Marquis de Sade dans Le cabinet secret de l’histoire entr’ouvert par un médecin. Curieux ouvrage traitant des questions sexuelles des rois, allant aussi bien de la relation de François I avec la belle ferronnière, de la stérilité de Catherine de Médicis, de la chasteté de Louis XIII, de la consommation du mariage de Louis XIV… Le texte sur Sade fut rédigé à partir des documents d’archives des Affaires étrangères et de la Maison de Charenton. Cabanès prétend revisiter la biographie de « étrange et falot personnage » dont « l’érotisme sanguinaire fut plus virtuel que réel », se manifestant plutôt par des écrits que par des actes :

 

Dans sa vie privée, Sade fut licencieux, aimablement pervers, s’embarrassant le moins possible de préjugés. Composer des ouvrages obscènes fut pour le marquis une distraction, un dérivatif aux élucubrations d’une imagination ardente et déréglée […] On pourrait dire que ce fut de la satyrographomanie plutôt que de la véritable érotomanie[19].

 

Cabanès insiste sur son travail d’écriture en prison, lieu dans lequel Sade était en «état de légitime défense » vis à vis d’une société qui méconnaissait ses mérites et le privait de liberté. Méritant donc « des circonstances atténuantes », non pas tant parce qu’il avait été calomnié, mais parce que les faits reprochés avaient été très grossis, Cabanès se propose d’écrire ni un plaidoyer, ni une justification, mais de réparer la vérité en relisant les irrécusables témoignages d’après des documents dont il a contrôlé l’indéniable authenticité. C’est donc la même démarche que Charles Henry.

En 1901, le docteur Cabanès pour certains[20], pour d’autre Louis Jacolliot, sous le pseudonyme de Dr Jacobus X, publie Le marquis de Sade et son œuvre devant la science médicale et la littérature moderne. Jacobus X est présenté comme l’auteur de textes originaux tels que les  Singularités sexuelles dans les colonies françaises, sur l’ethnologie du sens génital, sur les bases de la psychologie passionnelle… L’avis de l’éditeur (Carrington) est clair :

 

Une gloire infâme auréole d’ombre le nom du marquis de Sade, juste rétribution d’une vie que l’on suppose entièrement vouée à l’apologie du crime et de la plus noire, la plus horrible des folies sexuelles. Qu’on ne s’y trompe point. L’auteur n’a pas voulu que le monstre fut embelli par son art, a travaillé en psychologue, en savant, a disséqué froidement son sujet[21].

 

L’avertissement du Docteur Jacobus X concernant l’adresse de son texte, qui précise avoir écrit cet ouvrage dans un but autant philosophique littéraire que médical est pire :

 

En vue des gens sérieux qui veulent étudier la bête humaine et ses étranges faiblesses ; non pour les petits jeunes gens des lycées ; non pour les pseudo-pucelles hystériques qui aiment les romans terribles[22].

 

On pourrait y entendre de l’anti-Sade : La mère n’en prescrira pas la lecture à sa fille…

L’auteur précise que sans doute sa réputation d’infamie ne lui aurait pas survécue, s’il avait négligé d’écrire. S’il est impossible de trouver la preuve d’un seul crime commis par lui, la perversion de cet homme reste démontrée par ses textes, par sa théorie « du vice toujours récompensé et de la vertu toujours punie ».  A propos de l’antonomase il est écrit :

 

Une âme aussi sombre appartient à la science puisque son nom sert à cette même science pour étiqueter une aberration […] De Sade a le triste privilège de faire dénommer sadisme cet amalgame de luxure et de cruauté, vocable qu’oublia le Littré mais adopté par les écrivains modernes[23].

 

Qualifiant Sade de « l’apôtre matérialiste du coït antiphysique, qui ne voit dans l’amour que la passion bestiale assouvie au milieu des plus affreuses tortures infligées à la victime »,  sa définition du plaisir sadique est la suivante :

 

Sensation la plus forte qu’il soit possible d’éprouver par la torture d’un être soumis aux caprices du débauché.

 

L’auteur s’en prend ensuite à Iwan Bloch / Eugen Dühren et justifie ce texte sous prétexte qu’il ne fallait pas laisser à « un étranger » le soin de projeter la lumière sur la vérité historique. Ne se rendant peut-être pas compte de la teneur germanophobe de son propos, il accuse même en revanche Dühren de gallophobie, qui avait fait de Sade une synthèse du XVIIIᵉ siècle en général et de la littérature française en particulier. Il veut montrer au psychiatre allemand que « qui trop embrasse mal étreint » et que si l’œuvre de Sade était le « fruit vénéneux et pourri d’un siècle dissolu », c’était un effet et non une cause.

Enfin, il accorde à Sade le statut de « père du naturalisme », arguant que les personnages de Zola ne sont pas plus immoraux que les siens. Il faut donc étudier Sade comme Zola, avec ces deux entités « nature et tempérament », hérédité et déterminisme du milieu, suivant le positivisme de Claude Bernard.



[1] Voir ALTHUSSER qui écrit L’avenir dure longtemps pour s’expliquer sur l’impunité du meurtre de sa femme.

[2] ESQUIROL, Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, Paris, J.-B. BaillIère, 1838, Tome 2,  p. 579.

[3] VILMER, Jean-Baptiste Jeangène, Sade moraliste, Le dévoilement de la pensée sadienne à  la lumière de la réforme pénale au XVIIIᵉ siècle, Genève, Droz, 2005.

[4] HENRY, Charles, La vérité sur le marquis de Sade, 1887, Paris, Les billets de la Bibliothèque, préface Christian Lacombe, 2010, p. 15.

[5] Ibid, p.15.

[6] Lettre de SADE au gouverneur de la prison de Vincennes du 2.11.1763, citée Charles HENRY, Op. ,Cit., p. 19.

[7] HENRY, Charles, Op. Cit., p. 45.

[8] THOINOT, Léon-Henri, Attentats aux mœurs et perversions du sens génital, Paris, O. Doin, 1898, Fac similé Elibron Classics series, Adamant Media Corporation, 2005, préface.

[9] Ibid, p. 275.

[10] Ibid, p. 276.

[11] Ibid, pp.  441-442.

[12] Ibid, p. 468.

[13] Ibid, p. 470.

[14] Ibid, p. 239.

[15] Docteur MARCIAT,  Le marquis de Sade et le sadisme, dans : LACASSAGNE, Op. Cit, p. 185.

[16] Ibid, p. 190.

[17] Ibid, p. 196.

[18] Ibid, p. 218.

[19] CABANÈS, Augustin, La prétendue folie du Marquis de Sade, dans : Le cabinet secret de l’histoire entr’ouvert par un médecin, Paris, A. Maloine, 1900, pp. 268-269.

[20] LEVENT, Jean-Marc, Sade, l’homme naturel du XIX ᵉ siècle, dans : Penser Sade, Lignes 14, Éditions Léo Scheer, mai 2004,  p. 173.

[21] Docteur JACOBUS X, Le Marquis de Sade et sou œuvre, devant la science médicale et la littérature moderne, Paris, Carrington, 1901, avis de l’éditeur.

[22] Ibid, préface, p. XI.

[23] Ibid, avis de l’éditeur puis préface de l’auteur.